L’histoire de Sesserae transformé en oiseau « Willy Bergeronnette » et celle des droits de pêche claniques est racontée par le clan Wakiad de l’île de Badu. C’est une présentation abstraite et onirique qui nécessite l’intervention d’un narrateur pour bien comprendre le sens du conte et ses implications dans la culture du Détroit de Torres.
Cette histoire nous fait découvrir Willy Bergeronnette en nous contant la transformation d’un homme en un oiseau effronté et rusé, qui n’aime pas partager avec les autres. Mais ce conte explique également comment les insulaires du Détroit de Torres ont reçu le don d’attraper et de cuire le dugong (sorte de lamantin), et aussi de construire un « nath » - une plate-forme de pêche érigée en mer sur les lits d’algues dont les dugongs se nourrissent.
Du point de vue artistique, cette estampe est dense et les protagonistes clefs de cette légende sont représentés graphiquement comme des acteurs individuels, discrètement ébauchés et comme tissés entre eux pour former un motif visuel fascinant.
Sesserae, le personnage central de cette histoire, est un jeune membre de la tribu Tulu vivant tout seul sur une île, poursuivi par les hommes du clan voisin qui veulent savoir comment il réussit à être si heureux et si bien nourri. Il a découvert comment pêcher avec succès le très convoité poisson « dugong » et ces hommes veulent lui voler son secret.
L’histoire de cette chasse à l’homme et de la transformation de Sesserae en « Willy Bergeronnette » nous est contée à travers cette oeuvre qui dépeint soigneusement différents chapitres de la poursuite, utilisant différentes parties de l’image – de gauche à droite - pour narrer les épisodes distincts de cette légende. Les références mentionnées dans ce conte incluent le monde surnaturel dans lequel Sesserae vit - Nona représente les crânes des parents de Willy qu’il consulte pour avoir des conseils.
En examinant bien l’estampe, il est également possible de voir nombre d’autres éléments de ce conte qui apparaissent sous la forme de motifs locaux complexes : le filet de pêche, les lances et les cordes, les dugongs, les fours à cuire, le camp de pêche, les chiens guerriers, les oiseaux, les conques et la bergeronnette sont soigneusement détaillés.
Dennis Nona utilise de douces tonalités de bleu pour délinéer la mer, de l’orange pour mettre en valeur le four à cuire le dugong, et un marron pâle pour indiquer l’endroit où les épisodes terrestres de l’histoire prennent place. Tous les personnages sont imprimés en un noir dense renforçant ainsi les détails représentant les yeux, la tête et l’intérieur des poissons. D’ailleurs, à propos de son œuvre, Nona dit : « Je dessine toujours en dernier les yeux car ils me distraient s’ils sont faits avant ».
Stéphane Jacob dirige la galerie Arts d’Australie • Stéphane Jacob. Expert en Art Aborigène, Membre de la Chambre Nationale des Experts Spécialisés en Objets d’Art et de Collection (C.N.E.S.), co-auteur du catalogue des collections du musée des Confluences de Lyon et du livre "La peinture aborigène". Il est signataire de la charte d’éthique australienne Indigenous Art Code, il s’attache depuis 1996 à faire connaître l’art et les artistes contemporains d’Australie.
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